16 mai 2023
23% des moins de 35 ans regardent des vidéos en conduisant
Smartphone, alcool, drogues : des jeunes conducteurs sous influence ?
A la veille du long week-end de l’Ascension, au cours duquel les Français seront nombreux sur les routes, la Fondation VINCI Autoroutes publie les résultats de son 13e Baromètre de la conduite responsable. Réalisée par Ipsos auprès de 12 400 personnes dans 11 pays européens, cette vaste enquête annuelle dresse un état des lieux des comportements et représentations des Européens au volant. Elle permet de suivre l’évolution des conduites à risque et des bonnes pratiques pour contribuer notamment à mieux orienter les messages de prévention.
Les résultats font apparaître chez les jeunes de moins de 35 ans (1), en particulier les hommes, une sur-représentation des conduites à risque liées aux usages des smartphones (23 % regardent des films ou des vidéos en conduisant), à la consommation d’alcool ou de drogues et à la somnolence au volant. Autre phénomène inquiétant : près d’1 conducteur sur 3 de 16 à 24 ans se dispense du port de la ceinture de sécurité, alors même que cette règle est un incontournable du passage du permis de conduire.
Autre enseignement notable de ce Baromètre, la banalisation de l’usage du téléphone en Bluetooth : alors que plus d’1 conducteur sur 2 (55 %) téléphone de la sorte au volant, 67 % d’entre eux ne jugent pas cette pratique dangereuse et 15 % ont déjà eu, ou failli avoir, un accident en raison de son utilisation.
Cette édition 2023 fait aussi apparaître une désinhibition grandissante des conducteurs vis-à-vis du respect du code de la route et des autres usagers, dont les effets sont très perceptibles puisque 89 % des personnes interrogées disent avoir déjà eu peur du comportement agressif des autres conducteurs - un niveau record depuis la création du Baromètre.
(1) En 2021, 30,7 % des personnes tuées sur la route étaient des jeunes de 18 à 34 ans alors qu’ils représentent près de 20 % de la population française. Source : ONISR – La sécurité routière en France. Bilan de l’accidentalité de l’année 2021.
[Résultats européens en italique]
Les conducteurs ont beau être conscients des dangers du smartphone au volant, du manque de sommeil ou de la consommation d’alcool ou de drogues, ils ont de plus en plus de difficultés à accepter les contraintes inhérentes à la conduite d’un véhicule.
Les jeunes en particulier cherchent le compromis entre les sollicitations de la vie sociale et la conduite sûre, quitte à prendre des risques.
Bernadette Moreau
Déléguée générale de la Fondation VINCI Autoroutes
Alors qu’ils sont pour la plupart des conducteurs novices et parfois encore soumis à un permis probatoire, les jeunes de moins de 35 ans sont nombreux à s’autoriser consciemment ou inconsciemment des libertés vis-à-vis du code de la route. Comme le souligne David Le Breton, le code de la route est « vécu [par le jeune] comme une gêne intolérable le dépossédant de son évaluation propre des circonstances, il est alors l’objet d’une permanente réinterprétation ».
Premier signe de ce désir de s’affranchir des règles : le non-port de la ceinture de sécurité atteint 27% des moins de 35 ans (30 %), 31 % des 16-24 ans (32 %) et même 41 % des hommes de cette tranche d’âge (41 %), alors même que le respect de cette règle doit être totalement intégré pour le passage du permis de conduire.
Autre marqueur de la volonté d’autoévaluer le risque encouru : la consommation d’alcool, de drogues et de médicaments qui atteint des niveaux nettement plus élevés chez les plus jeunes, notamment les hommes.
Nouvelle illustration des analyses de Jocelyn Lachance, maître de conférences en sociologie, les jeunes peinent à se détourner de leur « compagnon numérique de la route » lorsqu’ils conduisent, le risque de la déconnexion primant bien souvent à leurs yeux sur le risque de la déconcentration qu’ils ont d’ailleurs tendance à largement sous-estimer.
24 %, soit près d’1 sur 4, a déjà eu ou failli avoir un accident en raison de l’utilisation du téléphone au volant (23 %).
Par ailleurs, 57 % des jeunes de 16 à 24 ans continuent de conduire même quand ils se sentent très fatigués (54 %). Pourtant, cette tranche d’âge est particulièrement exposée à une dette de sommeil chronique(1), qui se manifeste du reste dans les résultats puisque 42 % (35 %) ont déjà eu l’impression de s’être assoupis en conduisant soit 13 points de plus que l’ensemble des conducteurs (9 points de plus).
29 % (26 %) ont déjà eu ou failli avoir un accident à cause d’un épisode de somnolence - vs 13 % de l’ensemble des conducteurs (15 %).
En revanche, les jeunes ne se démarquent pas de l’ensemble des conducteurs en matière d’excès de vitesse et d’incivilités. Ils ont toutefois un peu moins tendance à l’autosatisfaction que leurs ainés.
(1) Etude sur le sommeil des adolescents publiée par la Fondation VINCI Autoroutes en février 2023 : « Rythmes circadiens, rites et sommeil à l’adolescence et perception des risques : une approche familiale ».
[Résultats français en gras / Résultats européens en italique]
40 % des Français (-4 ; 51 % des Européens) placent l’inattention parmi les principales causes d’accidents mortels sur les routes en général, en 3e position derrière la conduite sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants et la vitesse excessive (1ère position).
Pour autant, 83 % des conducteurs admettent qu’il leur arrive de quitter la route du regard pendant plus de 2 secondes (81 %), soit l’équivalent, à 130 km/h, d’au minimum 72 mètres parcourus « à l’aveugle ».
Ce manque d’attention est très largement lié à l’utilisation du smartphone au volant dans toutes ses fonctionnalités : conversations téléphoniques, messages, mails, applications, GPS, etc.
(1) Cadres de direction, gérants, professions intellectuelles
15 % de ceux qui téléphonent en Bluetooth ont déjà eu ou failli avoir un accident en raison de l’utilisation du téléphone (18 %).
10 % des conducteurs ont déjà eu, ou failli avoir, un accident à cause de l’utilisation du téléphone au volant (13 %).
(1) Étude sur les effets des conversations téléphoniques sur les capacités d’attention et de perception des conducteurs (2014), Centre d’investigations neurocognitives et neurophysiologiques de l’Université de Strasbourg (Ci2N) pour la Fondation VINCI Autoroutes.
La conduite sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants est identifiée parmi les principales causes d’accidents mortels par 69 % des Français sur les routes en général (+5 ; 49 % des Européens) et 37% sur les autoroutes (+5 ; 28 %), soit une hausse de 5 points en un an.
37 % des conducteurs français (-3) identifient la somnolence comme l’une des principales causes d’accidents mortels sur autoroute. Bien que la somnolence soit moins souvent citée par les Français depuis 10 ans (-21 points par rapport à 2014), leur conscience de ce risque demeure nettement supérieure à celle de leurs homologues européens (20 %). En revanche, elle est nettement moins évoquée pour les routes en général, en France (8 %) comme dans l’ensemble de l’Europe (7 %).
Pourtant, 44 % des conducteurs français continuent à conduire alors qu’ils se sentent très fatigués, parce qu’ils y sont contraints (-2 ; 41 %).
Pour les longs trajets, certaines pratiques à l’origine de la somnolence au volant régressent légèrement, mais restent encore très répandues :
La part des conducteurs qui ne font pas une pause après 2 heures de conduite est en augmentation : 55 %, soit plus d’1 conducteur sur 2, (+2 ; 61 %) et le temps moyen de conduite avant de s’arrêter lors d’un long trajet atteint 2h56 (+1 minute, 3h12, -2 minutes), bien au-delà des 2 heures recommandées.
Quelques réflexes très efficaces pour prévenir la somnolence sont heureusement en augmentation :
L’autoévaluation complaisante des conducteurs conserve son niveau très élevé des années antérieures… de même que les incivilités.
Les conducteurs français sont convaincus d’être exemplaires au volant : 97 % citent au moins un adjectif positif pour décrire leur propre attitude sur la route (96 %) : ils se considèrent, en grande majorité, comme vigilants (74 % ; 74 %) et calmes (49 % ; -5 ; 57 %), et sont même nombreux à se juger courtois (29 % ; 28 %). Tout juste certains concèdent-ils être stressés (15 %, +1 ; 11 %). Mais ils ne se voient quasiment jamais agressifs (3 % ; 3 %), dangereux (1 %, -1; 2 %) ou irresponsables (1 % ; 1 %).
Pour eux, les mauvais conducteurs sont naturellement… les autres ! En effet, 85 % des conducteurs citent au moins un adjectif négatif pour décrire le comportement des autres, (-1 ; 78 %) qui sont vus comme irresponsables (41 % ; -2 ; 41 %), dangereux (39 % ; -1 ; 26 %), agressifs (32% ; -2 ; 28 %) et stressés (31 % ; -1 ; 34 %). Protégés par l’habitacle de la voiture, certains conducteurs ont le sentiment d’agir de façon différente.
Ainsi, 19 % d’entre eux (-2 ; 15 %) admettent ne plus être vraiment la même personne lorsqu’ils sont au volant, et s’estiment plus nerveux, impulsifs ou agressifs que dans la vie quotidienne. 15 % d’entre eux ont le sentiment d’être « comme dans une bulle » et de faire moins attention aux autres (-5 ; 19 %). Plus d’1 conducteur sur 10 (13 % ; 16 %) va même jusqu’à penser que, sur la route, « c’est chacun pour soi ».
89 % des conducteurs disent craindre l’agressivité des autres au volant, ce qui correspond à un niveau record en 10 ans (84 %).
Alors qu’en 2022, plus de deux fourgons d’intervention ont été percutés en moyenne chaque semaine sur le réseau autoroutier concédé, la prise de conscience de ce risque encouru par les patrouilleurs et l’ensemble des intervenants sur autoroute, ainsi que le respect des règles du code de la route contribuant à leur sécurité, sont essentielles.
Des résultats pas encore satisfaisants, mais encourageants. Les nombreuses campagnes de sensibilisation semblent montrer une certaine efficacité :
Pour un certain nombre de conducteurs, et plus particulièrement les propriétaires de ces véhicules, le passage du thermique à l’électrique leur a fait adopter une conduite plus sûre et plus apaisée.
Pour réaliser le Baromètre de la conduite responsable, Ipsos a interrogé du 5 au 31 mars 2022, par Internet, 12 400 personnes âgées de 16 ans et plus, dont 2 400 Français et 1 000 personnes minimum dans chacun des 10 autres pays sondés (Allemagne, Belgique, Espagne, Grèce, Italie, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède).
La représentativité de chaque échantillon est assurée par la méthode des quotas.